Hiromitsu Watanabe parle de son père, le compositeur Takeo Watanabe (Candy, Heidi)

Né le 16 avril 1933, Takeo Watanabe a été l’un des grands compositeurs pour la télévision japonaise au cours des années 1970 et 1980. C’est à lui que l’on doit notamment les musiques de Candy Candy, Rémi, Heidi, Sandy Jonquille ou encore Cutey Honey. Il a aussi composé celles de la première série de Mobile Suit Gundam (avec Yûshi Matsuyama). Takeo Watanabe nous a malheureusement quitté très tôt, le 2 juin 1989, laissant derrière lui une quantité impressionnante de musiques.

C’est en juin 2009, à l’occasion du Festival International du film d’animation d’Annecy, que nous avons eu la chance de rencontrer son fils, Hiromitsu Watanabe. Il était présent au MIFA, l’espace professionnel du festival, et il a très gentiment accepté de parler du travail de son père.

 

Hiromitsu Watanabe, président de Sankyoshinsha et fils de Takeo Watanabe

L’Interview

Quelle a été la formation de votre père et comment est-il arrivé à composer pour la télévision et le cinéma, puis pour des anime ?
Il a commencé à composer au moment où la télévision prenait son essor au Japon. Je dirais que c’est un bon timing. D’ailleurs, contrairement à ce que beaucoup de gens croient, sa spécialité n’était pas les séries d’animation, mais des séries live et des drama pour la télévision. L’animation n’est qu’une petite partie de son travail (M. Watanabe nous montre alors la très longue liste de ses œuvres, NDR) : vous voyez, elle ne représente qu’une page sur plus d’une vingtaine !

Tout commence en 1969 avec la célèbre série sur le base ball, Kyojin no Hoshi (inédite en France). Comment a-t-il été retenu ?
Les producteurs avaient fait appel à cinq compositeurs pour les mettre en compétition. Il a alors proposé deux chansons : une assez moderne et une autre plus classique, très “nekketsu”. C’est finalement celle-ci qui a été retenue, bien qu’il préférait la première. La série a rencontré un tel succès qu’il a ensuite reçu beaucoup de commandes.

Quand il a étudié la musique, pensait-il déjà travailler pour la télévision ? Quelle était son ambition ?
Son père Urato (donc, mon grand-père) était lui aussi compositeur, pour un orchestre. Takeo a commencé en l’aidant à développer des ambitions un peu plus commerciales, comme des travaux de commande. Comme il aimait les films de théâtre et de télévision, il a cherché à prospecter dans ce secteur.

J’ai lu qu’il avait fait des études à Paris…
En réalité, c’est faux ! Il n’a jamais vraiment fait d’études de musiques. Il a appris sur le tas, aux côtés de mon grand-père. Et quand ce dernier a fait une tournée de six mois en Europe, naturellement, il était avec lui. C’est à cette occasion qu’il est venu en France.

Comment travaillait-il quand on lui confiait la création de musiques pour un anime ?
Pour lui, son travail ne relevait pas de l’écriture classique d’une musique ou d’une chanson, mais il le voyait comme une véritable illustration sonore. Il fallait donner un son à une scène et il aimait que sa musique soit liée à une image.
Le plus important, c’était le scénario. Il le lisait et, pour écrire une chanson, il se mettait à la place du héros. Ensuite, sa musique exprimait le sentiment du héros.

Et quand le héros était une fille comme Candy ou Georgie ?
De la même façon, il se mettait à la place de l’héroïne.

J’ai le sentiment qu’il a été catalogué dans un certain genre, notamment après le succès de Candy Candy où, dès lors, il a fait énormément de séries pour filles…
En fait, il y a trois périodes dans sa carrière de compositeur de BGM : d’abord les séries sportives avec Kyojin no Hoshi et Attacker n°1 (Les Attaquantes), puis les Sekai Meisaku Gekijô (Heidi, Un Chien des Flandres, Little Rascal) et enfin Candy Candy et les histoires pour filles (Sandy Jonquille, Georgie…).
Quand il a composé Candy Candy, il a tout de suite su que ça aurait du succès. Il a d’ailleurs vendu un million de disques du générique au Japon. C’était, à l’époque, le plus gros succès pour une chanson d’anime. Evidemment, par la suite, il y a eu beaucoup de commandes.

Savait-il que Candy Candy avait aussi été diffusée dans le monde entier ?
Oui, il le savait. Malheureusement, vous savez qu’il y a des problèmes actuellement autour de cette série… Nous savons aussi qu’en France, Heidi a aussi obtenu un grand succès et qu’en Italie, c’est plutôt Attacker n°1.

Avait-il un instrument préféré qu’il utilisait souvent dans ses musiques ?
Non, car il aimait utiliser avant tout une musique “locale”. Si l’histoire se passait en France, comme dans Rémi par exemple, il utilisait des instruments français. Il ne privilégiait donc pas un instrument, mais adaptait l’orchestration avec le style de l’histoire.

De toutes ses compositions, quelles sont celles qui l’ont le plus marqué ?
Je dirais Candy Candy et Heidi.

Vous-même, êtes-vous musicien ?
Malheureusement, non. Je ne suis pas devenu compositeur car les morceaux de mon père étaient tellement magnifiques que je pense qu’il serait impossible de faire mieux.

Que faites-vous alors comme métier ?
J’ai travaillé pendant longtemps pour la société Dentsu (une grande agence de publicité, également producteur d’anime, NDR). J’organisais des événements. Depuis un an et demi, je m’occupe de ma société, Sankyoshinsha qui gère les droits musicaux de mon père.

Allez-vous rééditer certaines bandes originales à l’occasion des 20 ans de sa disparition ?
Oui, une série de CD sortira en novembre prochain au Japon chez King Records (2009, NDR). Je prépare aussi un livre qui sortira en février 2010. Enfin, je cherche à organiser une exposition autour de son travail et je suis en discussion avec le musée Ghibli. Il faut savoir qu’ avant qu’il ne fasse les bandes originales des films de Miyazaki, Joe Hisaishi avait travaillé avec mon père. Il était arrangeur (il a notamment arrangé des chansons de Sandy Jonquille, NDR).

Que pensez-vous des musiques qu’on entend aujourd’hui dans les anime ?
La disparition de mon père correspond au changement d’ère (on est passé de l’ère Shôwa à l’ère Heisei, NDR). J’ai constaté une modification importante de la musique à ce moment-là : désormais, on cherche à faire de la promotion de groupes, on ne compose plus spécialement pour une œuvre.
J’ai bien conscience que le monde change, mais je ne pense pas que dans 10 ou 20 ans, on se souviendra des compositeurs d’aujourd’hui, comme on se souvient encore de Takeo Watanabe.

Interview réalisée en Juin 2009 par Olivier Fallaix
Publiée partiellement dans AnimeLand #153
Remerciements au MIFA (Annecy), à M. Hiromitsu Watanabe et à Melle Aya Urashima pour la traduction.

Site officiel de Sankyoshinsha

Takeo Watanabe en studio d’enregistrement

[ Discographie sélective ]

1968 Kyojin no Hoshi
1969 Attacker n°1
1970 Mahô no Mako-chan (Makko)
1971 Genshi Shônen Ryû (Nolan, sous le nom Jun Ôshio)
1973 Cutey Honey (Cherry Miel)
1973 Kôya no Shônen Isamu (Willy Boy)
1974 Alps no Shôjo Heidi (Heidi)
1974 Majokko no Meg-chan (Meg la sorcière)
1975 Flanders no Inu
1976 Candy Candy
1977 Araigumi Rascal
1977 Shin Kyojin no Hoshi
1977 Ienaki Ko Rémi (Rémi)
1978 Perrine Monogatari
1978 Majokko Tickle (Magique Tickle)
1978 Muteki Kôjin Daitarn 3 (avec Yûshi Matsuyama)
1979 Kidô Senshi Gundam (Mobile Suit Gundam, avec Yûshi Matsuyama)
1979 Shin Kyojin no Hoshi II
1981 Hello ! Sandy Bell
1982 Lady Georgie
1983 Meme Iro Iro Yume no Tabo (Ordy les grandes découvertes)
1983 Pure Tô no nakama-tachi (Biniky le dragon rose)
1984 Mori no Tonto-tachi (L’Histoire du Père Noël)

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